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L'horloge à remonter le temps

Publié le par Carole

L'horloge à remonter le temps

Je l'ai aperçue en passant. Elle battait dans son coin de vitrine comme un vieux coeur humain. L'horloge à remonter le temps.
Pour vingt-quatre euros seulement - vingt-quatre euros, ou vingt-quatre heures, qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est donc, dans une vie ? - on pouvait l'acheter, l'emporter. Essayer.
Car, remonter le temps, n'est-ce pas que l'on pourrait, qu'on pourrait essayer... car on peut, on peut bien essayer ? 
Je me suis arrêtée, tentée...

Mais sur le cadran envahi de reflets, dans son coin de vitrine, l'aiguille des secondes tressautait, bondissait, s'efforçait, et restait toujours immobile. Une libellule étrangement bloquée sur son élan vibrant. Incapable de fuir le point qu'elle semblait tant vouloir quitter. Tandis que l'aiguille des heures, et celle des minutes, lourdes, noires, impavides, se tenaient collées au cadran comme des mouches mortes.
Elle ne marchait donc pas, alors, finalement, cette horloge ! Vingt-quatre euros, c'est quand même quelque chose, pourtant ? Pour vingt-quatre euros,  on est en droit de...  de ne pas... enfin quoi !
Avertir le marchand... voilà ce qu'il fallait... certainement il aurait pu... on peut toujours, non ? faire quelque chose : changer la pile, peut-être ? Ou bien remonter un ressort, nettoyer un contact oxydé, replacer une tige sur son axe... 

Cependant, l'aiguille des secondes continuait à tressauter et à s'efforcer, lancée vers le passé, poussée vers le futur, galopant immobile sur le cadran où se livrait cet étrange combat. Et elle battait si bien ainsi, comme une libellule au rebord de l'été, comme un coeur humain en hiver
que j'ai compris soudain que le marchand 
malicieux ou sage 
en réalité 
n'avait conçu cette machine que pour cela. 

Pour que nous le sachions.
Qu'on ne renfile pas le long collier des heures perdues.
Que même une seconde, le temps ne la rend pas.
Qu'il les ramasse chaque soir
et qu'il les serre sans hâte dans sa bourse d'avare,
tous nos jours gaspillés.

Pour que nous le voyions enfin,
dans sa tremblante ardente imperfection,
dans sa lutte à jamais minuscule infinie
cet instant palpitant suspendu sans répit entre hier et demain,
coeur battant de l'insecte
qu'on appelle la vie.

 

Publié dans Fables

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Une flaque

Publié le par Carole

Une flaque
Presque rien d'eau sur le trottoir. Une flaque. Quelques gouttes roulées sur la paume du bitume. Juste une peau de pluie légère. 
C'est si peu, c'est si mince, et pourtant c'est immense : un arbre y nage en frissonnant, un nuage y mûrit dans son ciel, un monde entier s'y tient comme au ventre vivant d'une rivière qui passe.
 
Une flaque sous nos pas. Juste un reflet qui tremble. Promesse de lumière aux nageoires fugitives. Et tant de gens pressés qui s'en vont sans savoir. Et tant de gens pressés qui piquent là-dessus l'ombre aiguë de leurs parapluies.
 
Tout reflet invite à la profondeur.
Toute profondeur est d'abord un reflet.
Il n'y faut bien souvent que l'eau légère d'une pensée.
 
Apprendre à se pencher.
 
 
 
 
 
 

Publié dans Fables

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Avec sa lampe jaune à écarter les ombres

Publié le par Carole

Avec sa lampe jaune à écarter les ombres
Avec sa lampe sourde de mousses oubliées, d'insectes desséchés et de feuilles flétries,
Avec sa lampe brune de jardins sous la pluie, de forêts en bourgeons et d'oiseaux en chemin,
Avec sa lampe haute à affronter le vent, à recarguer les voiles, à rouler sur les vagues,
Avec sa lampe jaune à écarter les ombres, et son rayon de lune à traverser la nuit,
 
qu'elle nous guide encore, la vieille année qui meurt, 
vers celle qui renaît.
 
A tous, amis et visiteurs de ce blog, je souhaite une heureuse année 2018 !
 
 

Publié dans Divers

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