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Espoir !

Publié le par Carole

Espoir !
Il y avait du bruit dans la cuisine.
Quelqu'un cognait au carreau.
Très fort. Et à coups redoublés.
Un malheur ? un voleur ?
 
C'était un rouge-gorge, entré là puis resté prisonnier, qui s'élançait à la fenêtre, croyant y voir le ciel, et s'assommant avec ardeur.
Mais toujours il recommençait - puisqu'il croyait au ciel.
 
J'ai ouvert la fenêtre.
Une fois encore le rouge-gorge s'est élancé - vers le grand ciel ! Son vol était parfait, droit et pur, fidèle au coeur intact qui battait sur la vitre le tam-tam résolu de la vie.
 
Saluant cet élan de l'oiseau, dans la raison et la déraison dans l'angoisse et la joie toujours le même, le même exactement que rien n'avait pu tordre, cet élan fou et pourtant si certain, cet immense élan répété, qui aurait pu le tuer et qui l'avait sauvé,
j'ai fermé la fenêtre.
 
La nuit tombait déjà.
 
Sur le carreau il ne restait que cette trace 
cette marque emmêlée de détresse et de force
cette empreinte brouillée où glissait une patte
désolée minuscule intrépide et savante
souillure d'une angoisse souvenir d'une foi
une tache un peu grasse à effacer d'un doigt
presque rien rien qu'un mot ce vieux mot dans le noir
qui cherche la lumière et s'écrit quand on crie :
- Espoir !
 

Publié dans Fables

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La belle du Calcutta

Publié le par Carole

La belle du Calcutta
Je l'avais admirée au musée, dans cette exposition, il y a déjà si longtemps...
Aussi l'ai-je aussitôt reconnue, cette belle de James Tissot, penchée à la rambarde d'un paquebot d'autrefois.
 
Si souvent on se dit : "S'ils nous voyaient, de loin, ceux du passé, s'ils revenaient, fantômes, nous regarder et nous juger, s'ils pouvaient contempler le monde tel qu'il est devenu après eux..."
 
Et voilà qu'elle était là, devant moi, la belle du Calcutta, fantôme de papier qu'on avait, je ne sais pour quoi, affiché sur ce mur, pour lui faire surplomber, depuis son bateau d'autrefois, la ville d'aujourd'hui. Et qu'elle ne paraissait ni surprise ni effrayée, ni choquée ni admirative. Qu'elle ne regardait pas du tout, du haut de son passé, ce vaste monde à venir qui était devenu notre présent.
 
Qu'elle semblait seulement se préoccuper de ce coin décollé du papier sur le mur, de ce coin minuscule, détrempé de pluie et soulevé par le vent, dont elle ne pouvait détourner les yeux pour regarder au loin, et dont elle savait bien, malgré son élégance encrinolinée, malgré son chapeau à rubans, malgré son profil délicat, malgré son éventail de soie, malgré l'admiration des passagers, malgré son dédain calculé, malgré la douceur de ce jour,
 
qu'il lui promettait 
et rien d'autre
de s'éloigner de s'éloigner
sur son grand paquebot d'autrefois
de s'en aller
s'en retourner
oh bientôt, si bientôt
dans le grand vent
indifférent
                                       au néant.
 
 

Publié dans Fables, Nantes

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