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A sac

Publié le par Carole

Décor "absurdographe" composé par J. Rigaudeau pour le Voyage à Nantes

Décor "absurdographe" composé par J. Rigaudeau pour le Voyage à Nantes

Mais qui donc - passant blagueur ou employé farfelu ? - qui donc avait eu l'idée de ce décor étrange, qui donc avait organisé là-haut cette curieuse mise à sac
A coup sûr celui-là avait lu dans son enfance ces histoires de Picsou où un vieil oiseau déplumé, aussi cupide et hargneux qu'un humain, transporte ses piscines de $$$$ dans de grands sacs à noyer le bonheur, sur lesquels, esclave de lui-même, il lui faut veiller nuit et jour - car gare - argh... grrrr ! - aux sombres Rapetout.
 
Sans doute en effet devrions-nous plus souvent nous rappeler ces bandes dessinées de notre enfance, et nous souvenir, quand nous rêvons sottement d'épargner pour plus tard, qu'aucun avare n'entassa jamais que des bulles - Oups !? - qu'effaça toujours le mot FIN - Couic !
 
-Et qu'on n'empoignera plus son pognon, et que le pèze ne pèsera plus rien de rien, quand on n'aura que les os sur la peau ? Tout de même... qu'un banquier nous le dise... 
-Un banquier, pourquoi pas ?
 
 
Quand je suis repassée, l'ara s'était envolé.
 
-Peut-être s'était-il souvenu qu'il était aussi bleu qu'un ciel en joie...
-Et qu'il savait voler !
-Et les sacs ?
-Sans doute s'étaient-ils renversés, conformément aux lois de la gravitation universelle, pour aller s'éventrer sur le sol - Boum ! Craac !! Pschiitt... - révélant aux passants ébahis leurs entrailles de paille.
-Il n'y avait donc vraiment rien dans ces sacs ?
-Il n'y a jamais rien.
-Mais ce rien, au moins reconnaissez-le, ce rien-là est si lourd...
 
 

Publié dans Fables

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Faire la circulation

Publié le par Carole

Ce matin, au carrefour, devant l'hôpital psychiatrique, un homme vêtu de blanc fait la circulation.
Il agite ses bras comme la rose des vents, dans son sifflet d'enfant il souffle comme un dieu des ordres nuageux.
Les voitures le frôlent, un souffle d'au-delà dépeigne ses cheveux.
Ses bras tournent en rond, en ailes de moulins.
Il est aussi grand, aussi maigre que Lui.
 
Le monde est fou, et il est fou.
 
Mais les voitures galopent où il ne voudrait pas. Le chaos tient la corde et le chaos l'emporte, et le chaos hennit de fureur et de joie.
 
Accablé brusquement, l'homme renonce et se fige. Ses manches restent en croix un instant suspendues - deux voiles blanches qui n'ont plus d'horizon. Puis se replient vaincues, en pattes d'araignées. 
 
De quel royaume est-il le fou toujours fait mat,
celui qui veut que le monde ait un sens ?
 
 

Publié dans Nantes, Fables

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Tranché

Publié le par Carole

Tranché
Aboli bibelot d'inanité sonore
 
 
C'était, derrière le rideau de fer d'une de ces boutiques d'antiquaire où s'accumulent les curiosités bizarres et les bibelots dérisoires, un chien presse-livres, double de sa moitié, moitié de son entier, qui embrassait le vide. Etonnant songe-creux de plâtre, beau toutou pompéien que partageait le rien, bizarre tout-en-deux qui n'était pas même un.
 
Semblable à ces héros de dessins animés qui courent au-dessus des abîmes sans remarquer que le sol a quitté leurs pas, il continuait, fantastique et tranché, à frétiller de la queue, à cligner de l'oreille et à monter la garde - à faire semblant de rien, à ne pas remarquer - il continuait, tranche d'inanité, tronche d'humanité. Continuait... 
 
 
C'est si souvent ainsi. Les choses, les gens, les mondes, déjà brisés, rompus en blessures et platras, qui pourtant continuent, moulages de leurs cadavres, comme si de rien n'était, comme si jamais ils n'avaient réellement été, à croire qu'ils sont encore, dans leur coquille d'inconscience, ce qu'ils croyaient qu'ils furent.
 
Et je n'ai jamais su s'il fallait les admirer, les plaindre, les avertir, les fuir - ou simplement, de temps à autre, se retourner sur soi-même, revenir sur ses pas, et se tâter les côtes, pour vérifier qu'on marche encore... entier !
 

Publié dans Fables

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