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En somme

Publié le par Carole

Yvoire - Pierre d'Equarre - Lac Léman

Yvoire - Pierre d'Equarre - Lac Léman

A Yvoire, sur le Lac, veille une vieille - une très vieille pierre.
Il paraît qu'un glacier qui roulait là jadis l'emporta d'un sommet dans sa langue râpeuse, puis la laissa tomber.
 
C'était il y a des mille et des milliers de mille milliers d'années.
Elle est restée patiente et solitaire, pendant des mille et des milliers de mille milliers d'années, attendant simplement que les derniers glaciers, fondant de toutes leurs larmes, la recouvrent d'eau grise pour d'autres mille et milliers de mille milliers d'années. 
Audacieuse, assurée, comme un pas japonais dont l'élan se serait suspendu juste au-dessus du flot, pour amorcer un pont - ou tendue douloureuse comme un poing fatigué, au-dessus de l'eau lente où se noierait quelqu'un ? On n'a jamais pu décider, même aux jours de prière où rôdaient sur sa peau les grands dieux disparus qui savaient les mystères.
C'est, paraît-il, ce qu'on appelle une roche erratique.
 
Entre le ciel, l'eau et la terre, appuyée sur le vent pour glisser dans le temps,
une île un jour surgie et un jour engloutie
qui survécut à tout ne survivra à rien
tortue Galapagos posée là par hasard et par nécessité
s'effaçant par erreur ou relativité
rien qu'un point minuscule une infime virgule
sur l'immense addition des mille et des milliers 
et des mille milliers.
 
Une vieille erratique.
Comme l'humanité
en somme.

Publié dans Fables

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Le Tos

Publié le par Carole

    Le Tos, ils l'appelaient, les gars du chantier. Et ils crachaient leurs mégots sur son passage. Lui, il se contentait de baisser la tête sans rien dire, honteux vaguement sans savoir distinguer si c'était vraiment d'être un Tos, qui le mettait si bas, ou simplement d'être un lâche [...]
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

Publié dans Récits et nouvelles

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Affichage à but idéal

Publié le par Carole

.

C’est à Lausanne et c’est réellement idéal.

On dessine une affiche. Il faut que ce soit pour vanter un projet qui ne rapporte rien, une belle idée, un joli spectacle, une histoire à ne pas dormir debout, un petit coin de Cocagne, un château en Espagne. Rien d’autre n’est permis que ce qui ne saurait se compter dans les comptes. Rien que ce qui se conte.
Quand on a bien passé l’affiche au bleu du rêve, on la recouvre de cette poudre colorée d’étoiles qui change en papillons les ailes du courage.
On ne la colle pas. On la fait tenir par les coins très provisoirement avec de l’adhésif à paquets.
Car il faut que l’idée puisse voler librement et aller où elle veut comme lettre à la poste.
Le panneau sur lequel on la pose est un peu en hauteur. C’est mieux que les passants aient à lever un peu la tête. C’est mieux aussi que les oiseaux puissent y faire leur nid si elle leur chante.
Ensuite on attend quelques jours.
Le plus souvent, l’idée retombe sur le sol, épuisée, toute fanée.
De temps en temps, tout de même, il y en a une qui ouvre grand ses ailes et s’en va tourner quelque part, là-bas, de ce côté du ciel où le soleil se lève.
On ne saura jamais ce qu’elle deviendra.
Mais il est permis d’espérer.

Publié dans Fables

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La fenêtre dans le mur

Publié le par Carole

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      "And before me ran this long wide path, invitingly..." (H.G. Wells, The Door in the Wall)
 
 
    Vous connaissez peut-être cette nouvelle d'H.G. Wells, qui s'intitule La Porte dans le Mur. Elle raconte l'histoire d'un enfant qui découvre un jour, au milieu d'un mur gris, une porte, colorée, lumineuse, qui mène à un autre monde. Il rencontre plusieurs fois la porte, ensuite, sur d'autres murs, et la dédaigne, puis, devenu adulte, il la perd tout à fait, et il se met alors à la poursuivre partout comme une obsession, sans jamais plus pouvoir la retrouver.
    Sur ma route, j'ai rencontré, un beau soir de printemps, cette fenêtre qui s'ouvrait dans un mur gris. Elle penchait un peu, comme un visage fatigué, au-dessus de son balcon en coeur... Un rayon de soleil lui faisait un profil d'ombre fraîche, et des fleurs de charbon entrelacées aux grilles dansaient en liserons sur le ciment rugueux.
    Il m'a semblé que quelqu'un m'appelait. J'ai cogné doucement à la vitre. Enfin j'ai aperçu, derrière le carreau un peu brouillé, deux yeux fanés tout grillagés de rides et qui me regardaient.
    Il y en a tant, dans la ville, de ces vieilles gens que l'on distingue à peine derrière leur carreau gris, guettant sans fin le spectacle modeste de la rue, et passant les journées à attendre, à espérer on ne sait quoi - une visite, un infime événement -, ou juste à suivre le parcours lent des ombres, le passage des heures... Je n'aurais su dire si c'était un homme ou une femme qui se tenait là, derrière cette fenêtre, mais c'était un visage, et qui me souriait, qui avait l'air de me connaître... .
    J'ai collé mes yeux sur la vitre, j'ai senti le battant céder doucement sous mon poids... la fenêtre n'était pas vraiment fermée.
    J'aurais pu l'ouvrir tout à fait, j'aurais pu me pencher au balcon vers la chambre, j'aurais pu laisser entrer la lumière sur cette vie recluse, j'aurais pu bavarder un moment avec celle ou celui qui s'était réfugié dans cette ombre, et m'avait si longtemps attendue.
    Mais je me suis simplement reculée, pour prendre la photo, avant de poursuivre ma route.
 
    Plus tard, quand j'ai voulu revenir, retrouver la fenêtre, il n'y avait plus rien. Qu'un mur gris, lisse et froid. Du grand coeur charbonneux du balcon il ne restait qu'une ombre aussi imperceptible qu'une larme de pluie.
    Ne te retourne pas : c'est ce que dit la nouvelle de Wells, c'est ce que disait déjà le vieux mythe. Je le savais si bien... pourquoi suis-je donc revenue ?

Publié dans Fables

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Poussière de lune

Publié le par Carole

    Sur la piste, elle dansait seule, les yeux mi-clos.
   La piste, évidemment, n'aurait pas pu contenir une foule. C'était une piste de bois démontable et transportable, un plancher étroit qui n'aurait pas supporté le poids d'une foule, mais ce soir, vraiment, on pouvait dire que les danseurs se faisaient rares.
    Elle était arrivée la première, et, longtemps, elle était restée seule, à tourner toute seule, les bras légèrement entrouverts. Puis était arrivée une grand-mère alerte qui avait dansé avec sa petite-fille, et deux très vieilles femmes qui avaient valsé ensemble à tout petits pas. Finalement, elles avaient été cinq, sur le plancher de bois. Cinq femmes sans hommes. [...]
Suite du récit à lire sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com
 

Publié dans Récits et nouvelles

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La mer veille

Publié le par Carole

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J'ai tout de suite aimé cette enseigne naïve et colorée où le soleil et l'ombre se penchaient côte à côte, pour éclairer ensemble le jeu profond des mots.
 
Car rien n'est plus vrai.
La mer veille.
 
Sur le vieux coelacanthe et la jeune dorade
Sur la baleine en pleurs et sur le thon qui saigne
Sur l'oiseau qui se couche aux plages de mazout
Sur ce que nous tuons ce que nous méprisons.
La mer veille
 
Sur l'esclave épuisé le clandestin noyé
Sur les trésors enfouis aux grands champs d'ossements
Sur le fantôme errant des mondes à conquérir
Sur notre convoitise et sur nos coeurs arides
La mer veille
 
Sur les îles qui penchent et les volcans qui tremblent
Sur le marin qui lutte avec le vent là-bas
Sur les désespérés qui l'attendent au rivage
Sur nos cris nos appels sur nos âmes brisées
La mer veille
 
Sur la lune qui tourne au bras des marées lentes
Sur l'étoffe des nuits et sur le pli des aubes,
Sur le grain de l'étoile et sur la fleur du sable
Sur le sillon qui va et qui revient sans trêve
La mer veille
 
Sur toutes les détresses sur toutes les merveilles
Dans l'instant de la vague et dans l'éternité
Patiente prudente presciente savante
La mer veille
 
                - Et nous ?

Publié dans Fables

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Envie de prendre la porte

Publié le par Carole

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"Allez paître. Il y a assez longtemps que vous mangez du foin. Voici venu le printemps." (Henry David Thoreau)
 
 
Quelquefois - qu'est-ce donc qui nous prend, nous saisit par la manche, nous attrape aux épaules et nous pousse à l'abîme ? - peut-être que c'est tout ce vert des arbres, de l'autre côté de la rue, qui cogne à la fenêtre comme un coeur bien vivant - ou bien ce coin de mouchoir bleu, là-haut dans les nuages, derrière la pluie qui bat - ou alors cette mouche obstinée, sous le plafond trop bas, heurtant du front l'ampoule comme un soleil perdu, au sortir de l'hiver - qui peut le dire ?
Mais voilà, quelquefois, comme ça, d'un coup, sans savoir pourquoi,
on a envie de prendre la porte.
De tout laisser de tout claquer.
Les jours noirs la pluie froide le parapluie sans joie.
La vie en ville le balcon du cinquième.
Les gens et les soucis.
Les murs sales le métier gris.
Envie de tout laisser de tout jeter.
D'arracher de leurs gonds ces ombres qui nous gênent et nous bouchent la route.
De tout plaquer en grands accords sonores.
De tout planter dans la terre odorante.
De tout larguer dans les rivières et l'océan.
D'envoyer promener sa vie.
De marcher de marcher
dans le printemps dans le vert des grands arbres dans la rosée des prés dans le proche et dans le lointain.
De s'en aller en arc-en-ciel par-dessus les heures sombres.
De grandir en soleil sur les chemins d'en-haut.
De glisser en rivière sur les cailloux du ciel.
De s'en aller
très loin
tout près
vers soi.
 
Mais voilà que sans savoir pourquoi - qu'est-ce donc qui nous prend, nous appuie sur le crâne, nous ligote les nerfs, nous arrache à nous-même et nous ramène à la raison ? - on se lève, on ferme la porte entrouverte, on tire les rideaux, on écrase la mouche comme un mégot.
On continue
à n'aller nulle part.
Et on a un peu honte, quand on reprend le soir son parapluie trop lourd,
De sortir dans la nuit qui descend lentement
Et de marcher voûté comme un nuage bas,
très loin
si loin
de soi.

Publié dans Fables

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Juste un faux pas

Publié le par Carole

     Tout s'était enchaîné de manière si bizarre... La veille au soir, il avait terminé ce roman du Japonais Haruki Murakami, l'un des derniers parus, celui qui a pour héros un personnage dont le nom n'a pas de couleur mais signifie "fabriquer" - l'incolore Tsukuru, qui fabrique des gares mais peine à trouver la couleur de sa vie. Et, juste avant de s'endormir, au tout dernier chapitre de ce qui jusque là lui avait semblé n'être qu'un roman d'amour, d'amitié et de vagues fantômes, il avait lu soudain ces remarques étonnantes et sans le moindre rapport apparent avec tout ce qui avait précédé : "Prendre garde à ne pas tomber dans l'escalier, à ne pas perdre une chaussure, ce sont là des questions vitales dans une gare gigantesque, à une heure de forte affluence... ". Ne pas tomber dans un escalier, soit, mais ne pas perdre une chaussure... comment pouvait-on dire qu'il s'agissait d'une question vitale ? Ces Japonais étaient décidément des gens très étranges... Il avait jeté un coup d'oeil sur la descente de lit... Ses chaussures étaient toujours là. Une belle paire de chaussures, solides et assurées, qui l'attendaient bien rangées. Des chaussures élégantes, bien sûr, et qu'en effet il n'aimerait pas perdre, mais des chaussures banales assurément, qui rempliraient banalement leur mission, et soutiendraient banalement ses pieds, le lendemain comme chaque jour, lorsqu'il se serait habillé et rasé. Des chaussures, en somme, que nul n'aurait l'idée de fixer du regard en marchant comme si elles ne rêvaient que de s'enfuir [...]
 
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Publié dans Récits et nouvelles

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Trains fantômes

Publié le par Carole

    Lorsque j'étais enfant, dans le garage de mon grand-père, sous la maison où nous vivions heureux, tournaient chaque dimanche des trains minuscules et parfaits, des trains qui se croisaient, des trains qui se doublaient, des trains qui s'accordaient, en rond, en ovale, en ellipse, pour s'écarter puis se rejoindre, selon la délicate chorégraphie que leur dictaient les lois impeccables et subtiles de la raison, de l'harmonie céleste, et du bonheur terrestre. De gare en gare, traversant des villages aux vitrines pimpantes, escaladant des montagnes vert forêt, traversant des rivières bleu de ciel, saluant aux passages à niveaux des enfants aux joues roses en tablier d'école, des dames chapeautées qui promenaient leur chien, et des facteurs en uniforme qui distribuaient leurs lettres comme de petits bouquets, sur leurs rails ajustés ils s'en allaient en cercle [...]
Suite sur mon blog de récits et nouvelles cheminderonde.wordpress.com

Publié dans Récits et nouvelles

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breXit

Publié le par Carole

breXit
Vous nous avez si longtemps donné l'heure... 
Alors maintenant qu'il est l'heure
que vous voilà à l'Ouest
prêts à voguer vers l'x,
n'allez pas oublier
que le monde ne tourne
qu'autour de ceux qui tournent
avec leur temps.

Publié dans Divers

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